Anne Ratier

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Anne Ratier
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J'ai offert la mort à mon fils (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Anne Ratier (née Gallego) est une mère filicide et une militante pro-euthanasie, auteure de l'autobiographie J'ai offert la mort à mon fils qui raconte pourquoi et comment elle a tué son fils polyhandicapé Frédéric en 1987, alors âgé de 3 ans. Fortement médiatisée en France à partir de , elle défend un qualificatif d'euthanasie pour ce meurtre, décidé avec l'accord de son mari, lors de ses interventions médiatiques, relançant le débat sur l'euthanasie en France.

Biographie[modifier | modifier le code]

Née Gallego, elle est la fille d'Emmanuel, immigré politique espagnol, et de Colette, française. Anne Ratier suit une formation d’égyptologue à l'école du Louvre[1]. Elle vit dans l'Aveyron au moment de la publication de J'ai offert la mort à mon fils[1] mais a vécu à Toulouse[2] entre 1989 et 2017 [3]. Elle est la mère de trois enfants, dont Frédéric, son premier-né. Elle accouche de ce dernier en 1984, le décrivant en interview[3] et dans son livre[4] comme mort-né, puis réanimé par une équipe médicale, et demeurant dans un état « végétatif »[4], avec un cerveau « en grande partie détruit »[5] et de l'épilepsie[6],[4]. Refusant qu'il soit envoyé dans un centre spécialisé, elle le tue avec préméditation par administration d'une surdose de neuroleptiques, ce qui provoque un coma de trois jours, puis la mort de Frédéric le [7].

Rédaction et publication de J'ai offert la mort à mon fils[modifier | modifier le code]

En 1991, elle entame la rédaction d'un ouvrage[1]. Elle explique avoir trouvé un éditeur intéressé en 1994, mais que ce dernier a finalement renoncé à la publication pour la protéger elle et son entourage[1],[3]. Son livre J'ai offert la mort à mon fils sort après la fin du délai de prescription pour meurtre, le [8]. Elle témoigne en ces termes : « Je pense que c’est très important pour mon fils, qui ne pouvait pas parler, qui ne pouvait pas s’exprimer que de dire que, vraiment, la vie on ne pouvait pas la vivre à tout prix, et qu’il y avait pire que mourir. Parfois, c’était vivre dans un état végétatif, ou lourdement handicapé… Sans jamais avoir conscience de vivre vraiment »[9]. Elle explique concevoir le fait d'offrir la mort comme « un cadeau, le dernier cadeau »[10], dans ce qu'elle décrit comme un « geste d'amour »[11], estimant qu'elle n'avait « pas d'autre solution », et a fait le bon choix[10].

Médiatisation[modifier | modifier le code]

Elle se fait connaître le en participant à une interview avec Marc-Olivier Fogiel sur RTL[12],[13] et avec la mise en ligne d'une vidéo le sur Konbini par le journaliste Hugo Clément[14],[8]. Cette vidéo est vue 2,5 millions de fois en 24 heures[15].

Anne Ratier participe aussi, le , à l'émission Les Grandes Gueules sur RMC[16], puis le à une interview sur Europe 1 avec Christophe Hondelatte[17] (rediffusée le [18]) ; et le à une autre interview sur la Radio télévision suisse[10].

En , elle adresse une lettre de soutien à l'épouse de Vincent Lambert[19].

Réactions[modifier | modifier le code]

La vidéo d'interview d'Anne Ratier sur Konbini suscite des réactions contrastées de la part d'internautes[15] et de personnalités politiques françaises, relançant le débat sur l'euthanasie en France après l'affaire Vincent Humbert[14]. Sont en particulier débattues la légitimité et la prescription de l'acte[20],[21].

Réactions de politiques[modifier | modifier le code]

Le , Adrien Taquet, chargé de la protection de l'enfance, décrit l'interview sur Konbini comme un acte « Consternant sur la forme, inadmissible sur le fond. Quand plus d’un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups d’un membre de sa famille, on ne banalise pas ces crimes. Rien ne justifie de tuer un enfant »[22]. Le même jour, Corinne Husse, vice-présidente de l'Unapei, déclare que « Nous ne pouvons accepter de tels actes, en France ou ailleurs. Il est absolument nécessaire de soutenir l’enfant handicapé et aussi la famille. Mais, fondamentalement, toute vie vaut la peine d’être vécue, et personne n’a le droit de prendre ou reprendre la vie d’un autre »[22].

Le , la secrétaire d'état aux personnes handicapées Sophie Cluzel se déclare choquée par la mise en scène de la vidéo[23]. La ministre de la santé Agnès Buzyn déclare le lendemain que « rien ne peut justifier que l'on puisse donner la mort à un enfant »[24].

Autres réactions[modifier | modifier le code]

Les propos d'Anne Ratier ont suscité de vives condamnations par des militants des droits des personnes handicapées, notamment de la part de l'avocate et militante Elisa Rojas[25],[23]. Ils dénoncent un acte médiatique, dans un but commercial de promotion de son ouvrage[23], et une apologie du meurtre[26].

Des internautes, majoritairement concernés par le handicap, ont lancé le hashtag #BoycottAnneRatier pour défendre la qualification de meurtre, et rappeler que le handicap de la victime ne modifie pas cette qualification des faits[27]. Ils rédigent aussi une tribune, intitulée « Nous, handi(e)s, nous voulons vivre »[28].

La démarche d'Anne Ratier a aussi suscité des réprobations dans les milieux chrétiens[29],[30],[31]. Le philosophe et éthicien chrétien Damien Le Guay dénonce sa promotion militante de l'euthanasie, une manipulation d'éléments de langage[12], et la complaisance médiatique envers des cas particuliers[32], visant selon lui à influencer médiatiquement le débat politique sur l'euthanasie[12]. Sans juger la démarche d'Anne Ratier, deux experts judiciaires s'interrogent sur « l'opportunité d’en faire un livre si longtemps après les faits »[33].

Réponses d'Anne Ratier[modifier | modifier le code]

Anne Ratier a répondu à la ministre Sophie Cluzel qu'elle « se trompe de débat », car « Mon histoire c’est celle de l'euthanasie. Même si j’avais été très bien accompagnée, j’aurais fait ce choix pour mon fils Frédéric »[27].

Elle réagit à la polémique soulevée par les personnes handicapées sur RMC et sur la RTS, en déclarant qu'elle « ne parle pas pour blesser les handicapés », mais transmet son expérience[16],[10].

Qualification et procédure judiciaire[modifier | modifier le code]

Comme le précise Sophie Cluzel dans sa réponse, le témoignage d'Anne Ratier ne permet pas d'invoquer l'euthanasie, car Frédéric n'était pas agonisant lorsqu'il a été tué par sa mère[27]. Agnès Buzyn a déclaré que « La loi Leonetti qui est une loi sur la fin de vie permet d'accompagner les personnes à l'agonie si elles ont exprimé leur désir d'être accompagnées. Ce n'est pas une loi qui s'applique à cet enfant parce qu'il n'était pas agonisant, il était tout simplement lourdement handicapé. Aujourd'hui, il n'y a pas de loi, en Belgique ou en France, qui aurait permis d'accompagner autrement cet enfant »[34].

Dans la vidéo de Konbini, il est affirmé que le délai de prescription judiciaire pour ce type de meurtre serait de 30 ans. En réponse, Libération et France Télévision ont publié des analyses juridiques expliquant que le meurtre d'Anne Ratier serait en réalité prescrit depuis 2012[35],[36],[37]. Deux experts judiciaires estiment, sur le site du Dalloz, que les faits détaillés par Anne Ratier dans son livre ne peuvent donc plus être poursuivis[33].

Publications[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e Joel Born, « Aveyron : le bouleversant témoignage d’une mère sur le droit de donner la mort », Centre Presse, .
  2. Sandrine Morin, « "J’ai offert la mort à mon fils" : témoignage choc d’une mère qui veut relancer le débat sur l’euthanasie », France Bleu Occitanie, .
  3. a b et c « Anne Ratier, mère de Frédéric : « Pourquoi j'ai offert la mort à mon fils » », sur ladepeche.fr (consulté le ).
  4. a b et c Ratier 2019.
  5. « Elle explique pourquoi elle a tué son fils handicapé : polémique autour de l'interview d'Anne Ratier », sur midilibre.fr (consulté le ).
  6. «J'ai décidé d'offrir la mort à mon fils», sur L'essentiel (consulté le ).
  7. Renard Michiels, « « J’AI OFFERT LA MORT À MON FILS », LE LIVRE QUI FAIT POLÉMIQUE », le Matin, .
  8. a et b « Elle explique dans un livre comment elle a tué son fils de trois ans et crée la polémique (vidéo) », sur FranceSoir, (consulté le ).
  9. « Elle explique sa décision d'avoir mis fin aux jours de son fils de 3 ans, en état végétatif », sur Magicmaman.com (consulté le ).
  10. a b c et d « L'invité du 12h30 - Anne Ratier publie son autobiographie "J'ai offert la mort à mon fils" - Radio », sur Play RTS (consulté le )
  11. « "Ce n'est pas de la vie, c'est de l'agonie" : Anne Ratier explique pourquoi elle a tué son fils polyhandicapé », France Télévision, .
  12. a b et c Paul Sugy, « Euthanasie : « Comment la médiatisation de cas particuliers fausse le débat » », Le Figaro, .
  13. Marc-Olivier Fogiel et Quentin Marchal, « "Prête à aller en prison" : le témoignage sur RTL d'une mère qui a mis fin aux jours de son fils », RTL, .
  14. a et b « Anne Ratier Trente ans après, elle explique pourquoi elle a mis fin à la vie de son fils de trois ans et tétraplégique », La Voix du Nord, .
  15. a et b « "J'ai décidé d'offrir la mort à mon fils" : le témoignage qui choque », sur Marie Claire (consulté le ).
  16. a et b « « Je ne parle pas pour blesser les handicapés, je transmets mon expérience ! » Anne Ratier #GGRMC », RMC, (consulté le ).
  17. Christophe Hondelatte et Anne Ratier, « Elle a donné la mort à son fils réduit à un état végétatif : "C'était ma responsabilité parce que je l'avais mis au monde" », sur Europe 1 (consulté le ).
  18. « Christophe Hondelatte : J’ai offert la mort à mon fils #REDIFF », sur Europe 1 (consulté le ).
  19. « Aveyron : Anne Ratier-Gallego adresse une lettre de soutien à l'épouse de Vincent Lambert », sur centrepresseaveyron.fr (consulté le ).
  20. La-Croix.com, « La révélation d’un infanticide fait scandale », sur La Croix, (consulté le )
  21. « "J'ai décidé d'offrir la mort à mon fils" : l'interview d'une femme expliquant pourquoi elle a tué son enfant lourdement handicapé choque les internautes », sur Franceinfo, (consulté le ).
  22. a et b Denis Sergent, « La révélation d’un infanticide fait scandale », La Croix, .
  23. a b et c Émilie Tôn, « "J'ai offert la mort à mon fils" handicapé : le témoignage d'une mère ne passe pas », L'Express, .
  24. « Agnès Buzyn répond à Anne Ratier : "Rien ne justifie qu'on puisse donner la mort à un enfant" », Le Nouvel Observateur, .
  25. « Anne Ratier: l’interdiction du meurtre est fondatrice », sur rcf.fr (consulté le )
  26. C.C.-M., « Konbini fait l'apologie du meurtre des personnes handicapées, selon les concerné.e.s », Glamour,  ; texte également disponible sur le site militant CLE-autistes « Konbini fait l'apologie du meurtre des personnes handicapées, selon les concerné.e.s », CLE autistes, .
  27. a b et c David Bême, « "J’ai offert la mort à mon fils", le livre polémique d’Anne Ratier », sur Doctissimo, (consulté le ).
  28. Aurélie Haroche, « Connaissez-vous le validisme ? », sur JIM.fr, Journal international de médecine, (consulté le )
  29. Caroline Becker, « Les parents de Gaspard réagissent à la vidéo de Konbini », sur Aleteia : un regard chrétien sur l’actualité, la spiritualité et le lifestyle, (consulté le ).
  30. « Le journaliste Hugo Clément n'a pas souhaité recevoir les parents de Gaspard », sur www.famillechretienne.fr (consulté le ).
  31. « Indignation après la révélation d'un infanticide sur le site Konbini ! », sur rcf.fr (consulté le ).
  32. « Belgique : « Le risque que l'euthanasie ne soit pas un choix individuel mais une décision économique imposée aux autres » », sur Le Figaro, (consulté le ).
  33. a et b Vincent Ollivier et Sofia Massou, « Affaire Ratier : précisions sur la prescription », Dalloz, .
  34. Aurélie Haroche, « Agnès Buzyn en campagne… pour la santé des femmes et l’éthique », sur JIM.fr, (consulté le ).
  35. Pauline Moullot, « L'homicide commis par Anne Ratier, qui a avoué avoir tué son fils handicapé en 1987, est-il prescrit ? », Libération, .
  36. Pauline Moullot, « L’homicide d’Anne Ratier sur son fils est-il prescrit ? », Libération, .
  37. « Elle avoue avoir tué son fils lourdement handicapé : Anne Ratier peut-elle être poursuivie ? », France Télévision, .
  38. « Anne Ratier-Gallego », BNF (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]